Plaidoyer pour le Bonheur
ou Plaidoyer pour le Budō
?
Lors de l’obtention de mon grade de Nidan (2e Dan), Augé Sensei m’a demandé d’écrire une dissertation sur la corrélation entre le Budō et le livre de Matthieu Ricard : Plaidoyer pour le bonheur. De prime abord, j’ai figé face à l’idée d’écrire comme dans le bon vieux temps où j’étais à l’école, mais bon. Commençons par le commencement : lire le livre au moins une fois pour m’imprégner du texte. Oh! Mais… Quel texte!
Au cours de ma lecture, je me suis vite rendu compte que ce n’était pas un livre que je pourrais lire d’un seul trait… Du moins, pas si je voulais en comprendre le contenu. Je l’ai lu un chapitre à la fois, et je n’ai pu commencer à écrire qu’après quelques mois de réflexion.
J’ai entrepris mon entraînement en 1982. Depuis ce temps, nous avons eu beaucoup d’occasions de discuter et d’échanger sur la vie selon le Budō. Au terme de ma lecture, j’ai voulu établir quelques comparaisons entre la recherche du bonheur et le mode de vie que j’ai choisi : le Budō.
Le bonheur
Tel que décrit de multiples façons dans le livre de M. Ricard, plusieurs
personnes sont à la recherche du bonheur, et ce, depuis plusieurs années,
et sans réussir à le trouver. Mais alors, comment trouver le bonheur? Quel
est le secret des gens heureux? On trouve une multitude de réponses toutes
faites : Les gens heureux n’ont pas d’histoire
,
Faut savoir apprécier ce que tu as!
, Regarde devant!
Pas derrière!
pour ne nommer que celles-là.
J’espère que ma réflexion vous aidera à mieux comprendre comment réaliser
votre propre bonheur.
Enfant, je ne me préoccupais pas de cette chose appelée « bonheur ». Je
vivais sans réel problème. Issu d’une famille modeste, le bonheur était
simple : Apprécie ce que tu as et partage-le avec autrui.
En
grandissant, notre société m’a inculqué qu’il faut viser plus haut afin
d’obtenir ceci ou cela… Sinon, le bonheur ne sera pas à portée de main,
pour ne pas dire inatteignable. Mais mon destin (ou « Karma » diront
d’autres) a mis le Budō sur ma route.
Le Budō
Selon Mochizuki Minoru Kancho Sensei :
le Budō est la voie qui nous permet de faire face aux défis de la vie.
Mais comment suivre ce chemin quand on y est complètement étranger?
L’œuvre de Matthieu Ricard nous propose une approche très accessible. Il
faut commencer par s’engager à vouloir améliorer sa situation. Pour ce
faire, il faut reconnaître et accepter que notre situation puisse être
améliorée.
L’entraînement au Budō nous apprend qu’il est très important de demeurer
humble et d’accepter que nous ne sommes pas une source intarissable de
savoir. Au contraire, nous pouvons toujours en apprendre davantage tout en
développant à la fois notre corps et notre être intérieur : Un esprit sain
dans un corps sain!
La rigueur
La rigueur nécessaire lors d’un entraînement ou pendant la méditation prépare notre esprit à reconnaître qu’il y a plus que ce que nous percevons avec les yeux. La rigueur nous aide également à développer de la détermination. C’est cette détermination qui nous mène à réussir ce que nous entreprenons et qui nous aide à faire face à la déception lors d’un l’échec et même à y voir une occasion d’apprentissage.
Le soi intérieur
Dans son livre, Matthieu Ricard explique à quel point les toxines du mal-être peuvent dérouter l’esprit. Parfois, nous nourrissons nos pensées avec des idées sombres, et ces idées sournoises peuvent se déguiser en faux sens du devoir ou tout simplement en négativisme. Avec un peu de recul (et beaucoup d’entraînement), nous en venons à comprendre qu’il faut commencer par soi pour pouvoir donner.
Si nous nous perdons dans l’exécution de notre « devoir », après quelques années, nous n’avons plus de balises. Nous sommes comme du bois flottant sur la rivière de la vie. Par contre, si nous apprenons à développer un meilleur soi intérieur, plus stable et plus serein, autant la charge d’un dur labeur pourra nous accabler, autant cette charge deviendra une source de satisfaction et d’accomplissement. Ce sentiment à lui seul peut devenir une source de bonheur. On le voit, par exemple, chez un coureur qui atteint la ligne d’arrivée d’un marathon, ou chez un élève qui termine un stage d’entraînement (tel un Yoseicamp ou un Kangeiko) pour la première fois, ou même pour la vingtième fois. Le bonheur d’avoir réussi à accomplir ce qui nous paraissait impossible au début, c’est ce qu’on appelle le « soukha » : un sentiment intérieur de joie profonde.
La méditation
Nous pouvons aussi faire une corrélation entre l’entraînement de l’esprit par la méditation et l’entraînement physique. Dans son œuvre, Matthieu Ricard fait souvent référence à la méditation et à ses bienfaits. Dans notre entraînement actif, nous considérons la concentration requise comme étant une méditation en mouvement. La méditation assise fait aussi partie de notre entraînement. Elle aide à développer un calme intérieur qui nous permet de faire face à l’adversité. Devant un attaquant, il est primordial de rester calme, prêt à tout et sans jugement.
L’amour inconditionnel
Le livre de M. Ricard parle de l’amour inconditionnel que le bouddhiste a
envers les autres. De même, Ueshiba Sensei a dit que :
L'Aïkido n'est pas une voie pour se battre et vaincre un ennemi par la
force. C'est la voie de la réconciliation du monde, celle de faire de
tous les êtres humains une famille.
Nous pouvons voir un lien direct entre l’amour inconditionnel du
bouddhiste envers son prochain et celui qu’Ueshiba Sensei espérait
développer chez ses élèves.
Mochizuki Sensei avait aussi développé cet amour pour les gens. Il ne
jugeait personne. Il a même introduit le précepte :
En aimant l’attaquant comme un frère, il nous sera impossible de penser
à le haïr, voir même à le tuer. Nous comprenons que notre « frère » n’est
pas dans un état de bien-être et que nous devons intervenir afin
d’éviter qu’il ne blesse autrui ou qu’il ne se blesse lui-même.
Si nous développons cette compassion en nous, nous pourrons aider à faire
de ce monde un monde meilleur. Mais pour ressentir cet amour inconditionnel
envers son prochain, il faut d’abord s’aimer soi-même. Comme dans un avion
en péril, nous devons d’abord enfiler notre propre masque d’oxygène, avant
même de pouvoir aider les autres.
L’humilité
Matthieu Ricard nous explique qu’afin de développer un bien-être intérieur, nous devons accepter notre condition et ne pas blâmer les autres pour nos tourments. Par exemple, dans notre entraînement Budō, lorsque nous faisons une erreur en exécutant une technique et qu’on nous corrige, il faut :
- reconnaître qu’il y a quelque chose à corriger;
- accepter que ce soit à nous de le corriger;
- ne pas prendre la correction comme une attaque personnelle;
- éviter de faire des excuses inutiles;
- corriger l’erreur;
- se promettre de refaire ce cycle si nous commettons l’erreur à nouveau.
Gaspiller notre énergie à mettre le blâme sur les autres ou sur des
facteurs externes ne fait que prolonger la douleur de l’échec. Par contre,
nous mettre en « mode solution » nous permet d’agir immédiatement pour
notre bien-être. Nous pouvons ainsi exécuter la correction avec un esprit
ouvert. Mochizuki Sensei croyait que la souplesse supplante la rigidité
.
L’attitude de réfuter et de
blâmer les autres pour nos inhabiletés démontre de la rigidité d’esprit.
Ces pensées, ces paroles et ces actes négatifs finissent par affecter notre
estime de soi. Alors qu’en acceptant nos erreurs et en investissant des
efforts pour les corriger, nous démontrons de la souplesse. Avec
l’assurance que nous pouvons corriger nos erreurs et nous améliorer, nous
développons ainsi notre estime de soi.
La vie et ses épreuves
Il n’est pas toujours facile d’accepter la douleur et la souffrance qui nous accablent. La vie est faite d’une longue suite d’événements, d’épreuves et de défis. C’est à nous d’y trouver des leçons qui nous permettent de grandir. Dans le succès comme dans l’échec, nous devons prendre le temps d’y apprendre quelque chose. Si nous y trouvons une leçon de vie, nous en ressortirons grandis. Et même dans le cas d’un échec, si nous y trouvons une leçon de vie, pourrons-nous toujours le considérer comme un échec?
Le contrôle de soi
Revenons à la méditation. Matthieu Ricard nous parle de ses nombreux bienfaits. Comment pouvons-nous l’utiliser au quotidien? Les défis et « occasions » que la vie nous offre nous demandent beaucoup d’énergie à moins que nous prenions le temps de méditer, d’y voir clair, une chose à la fois. En méditant et en pesant le pour et le contre, les nuages s’estompent peu à peu et une clarté s’installe. On y voit plus clair et les solutions sont plus concrètes.
Lorsque nous avons une montée de joie ou de colère, il faut s’abstenir de
prendre des décisions, car celles-ci seraient teintées d’un nuage
d’émotions. Il faut laisser la poussière retomber pour y voir clair.
Autrement, nous risquons de prendre une décision que nous regretterons par
la suite. Encore là, prendre le temps d’y penser (de méditer) peut nous
sauver bien des ennuis. Comme nous disons en cours d’entraînement :
Prendre trois grandes respirations!
En y pensant bien, combien
de fois avons-nous été l’artisan de nos malheurs? Combien de fois
aurions-nous fait des choix différents si nous n’avions pas agi
impulsivement, sur le coup du moment? Agir dans un éclat d’émotions ne
donne rien de positif. Il faut garder la tête claire et faire les bons
choix. Ça prend de la pratique, mais c’est possible. Il faut commencer par
de petits succès et les utiliser comme points de repère. Ainsi, on
développe une force de caractère qui nous permet de rester calme.
L’estime de soi
Cette force, ce tempérament devient la source de l’estime de soi. Par
contre, comme le dit Matthieu Ricard, il ne faut pas (…) confondre ego
et confiance en soi
. L’ego a la puissance de
tout absorber, telle une tornade dévastatrice. Il masque la vérité avec des
nuages de fierté et d’arrogance. Développer une bonne estime de soi nous
permet de comprendre et d’accepter nos limites, tout en continuant à nous
développer. Ceux qui ont réussi à mettre leur ego « de côté » ont trouvé un
chemin de résolution et d’épanouissement. Il ne faut pas croire ici qu’il
faut réprimer ou éteindre les émotions que nous ressentons. Bien au
contraire. En développant une bonne estime de soi, nous développons aussi
une confiance qui nous apporte une meilleure intelligence émotionnelle.
L’intelligence émotionnelle est cette façon que nous avons de mieux gérer
nos émotions, plutôt que de nous laisser contrôler par celles-ci. En
analysant et en nous familiarisant avec nos émotions, nous apprenons à les
apprivoiser, tout en restant en contact avec notre moi intérieur. En
développant notre intelligence émotionnelle, comme le dit Matthieu Ricard,
nous réalisons que nous pouvons utiliser (…) l’émotion négative de façon positive.
Par exemple, nous
pouvons sentir monter en nous une vague de frustration que nous calmerons
immédiatement, sans nous laisser emporter comme dans un torrent. Cet effort
nous mène à un résultat plus positif.
Ce travail d’introspection peut commencer dès que nous comprenons que la
méditation est bénéfique. Plutôt que d’« occuper » chaque instant que nous
avons, nous apprenons à l’utiliser, soit pour progresser dans une tâche ou
pour nous ressourcer (méditer). Par exemple, le soir avant de nous
endormir, une tornade de pensées se bouscule dans notre tête. Quelques
minutes de méditation peuvent aider à revenir au calme pour passer une
bonne nuit de sommeil. Petit à petit, l’oiseau fait son nid!
C’est ainsi que peu à peu, nous travaillons à bâtir notre soi intérieur. Il
en va de même lors de notre entraînement au Budō : si nous tentons
d’arriver à la ligne d’arrivée sans passer par les étapes d’apprentissage,
nous serons déçus. Alors qu’en gardant le cap sur notre entraînement, nous
nous développerons progressivement, sans même nous en rendre compte.
L’avoir vs l’être
Une des plus grandes maladies du soi est l’attachement au matériel. C’est ce qui nous pousse à vouloir nous justifier et à nous valoriser par les biens acquis (ou les grades). En acceptant de se concentrer sur un entraînement rigoureux, l’élève peut développer la détermination (« Kime ») qui permet de ne pas se décourager. Notre société nous pousse à passer à autre chose dès que ça ne fonctionne pas. Mais avec de la détermination, nous réussissons à accomplir là où beaucoup d’autres abandonnent. Notre entraînement nous permet d’avoir une meilleure compréhension de notre force intérieure, de réaliser que nous sommes plus forts que nous ne le croyions et que l’« avoir » n’est qu’une distraction en comparaison de l’« être ».
Rejeter la distraction des avoirs, de la possession, nous permet de garder
un regard juste sur les choses importantes. St-Exupéry a écrit :
On ne voit bien qu'avec le cœur. L'essentiel est invisible pour les
yeux.
Dans son œuvre, Matthieu Ricard précise aussi que le non-attachement
n’est en rien de l’indifférence…
Il faut
voir le non-attachement comme la joie d’être et de voir évoluer la vie.
Oui, il nous faut un moyen de transport et de l’argent pour nous nourrir et nous vêtir. Par contre, est-ce important d’avoir une voiture de 300 000 $ ou un gros compte en banque? Comment est-ce que cela pourrait améliorer notre joie intérieure? En nous perdant dans les avoirs, nous oublions de grandir.
La compassion
Lors de l’entraînement, nous comprenons que plus nous donnons de notre
être, plus nous recevons de la vie. L’altruisme que nous développons en
pensant aux autres et en agissant en harmonie avec eux n’a pas de prix.
Nous développons une humilité personnelle et nous apprenons « la vie » un
peu plus à chaque jour. Pour l’élève, l’altruisme et la compassion sont à
la source des sentiments et deviennent une fondation, comme une signature.
Après plusieurs années d’entraînement, l’élève devient un avec l’autre.
Il ne peut haïr son attaquant, car ils ne font
qu’un. La situation peut sembler conflictuelle, mais n’est en fait qu’une
somme de deux parties : l’élève se doit de calmer la situation et de
contrôler l’attaquant afin qu’il ne blesse personne. Avec son « intelligence
émotionnelle », il calme son esprit avant qu’il ne s’emballe.
Parallèlement, Matthieu Ricard explique que
La compassion bouddhiste revient à souhaiter que tous les êtres soient
libérés de la souffrance…
Dans cet esprit, la vengeance ou la volonté de faire du mal à quelqu’un
revient à se faire du mal à soi-même.
De par son entraînement rigoureux, l’élève développe une force mentale et une douceur qui le poussent à donner le meilleur de lui-même et à aimer son prochain (même celui qui lui veut ou lui a déjà fait du mal). Il ne faut pas croire que cet élève est dupe ou bonasse. Au contraire, il comprend que l'autre personne n’a pas « marché dans ses souliers » et qu’elle n’est pas prête à prendre ce que la vie lui offre. Aussi que cette personne est prise en otage par ses propres émotions et qu’elle est consumée par sa propre haine. Cette compréhension de l’autre permet à l’élève de rester humble.
Dans ce contexte, Matthieu Ricard indique que :
L’humilité est (…) une attitude essentiellement tournée vers les autres
et leur bien-être
et aussi que :
La joie et la satisfaction sont étroitement liées à l’amour et à la
tendresse. Le malheur, lui, va de pair avec l’égoïsme et l’hostilité.
C’est un beau rapprochement des paroles d’Ueshiba Sensei : (…) de faire
de tous les êtres humains une famille.
Toutefois, comme dans toutes les familles, il y a des défis. Et la vie en
est pleine. Tout au long de notre parcours, nous rencontrons des défis qui
nous déroutent, nous accablent et nous font nous remettre en question.
Comme l’exemple utilisé par Matthieu Ricard : un homme est frappé par une
flèche en pleine poitrine. Se demande-t-il :
De quel bois cette flèche est-elle faite? De quelle espèce d’oiseau
proviennent ces plumes?
Certainement pas. Il doit immédiatement retirer la flèche. L’élève doit
garder en tête qu’il est inutile de perdre son temps à tenter de comprendre
pourquoi ceci ou cela arrive. Il est plus important de se mettre
en mode solution immédiatement, de régler la situation plutôt que
de s’apitoyer sur son sort.
À force de chercher des solutions plutôt que de s’attarder sur les
problèmes, nous conditionnons notre cerveau à visualiser les solutions en
premier. Au début, c’est ardu, mais ça devient un réflexe :
Nos pensées deviennent nos actions (…) et nos actions, nos habitudes
(…)
comme dit Augé Sensei. Matthieu Ricard écrit :
En se familiarisant peu à peu avec cette façon de gérer les pensées, on
apprend à se libérer des toxines intérieures, de l’anxiété et du doute.
Et comme le dit Augé Sensei : L’antidote de la peur est la familiarité
.
En nous familiarisant
à chercher des solutions, nous développons une habileté à surpasser les
épreuves.
Le flux
L’élève du Budō doit développer plusieurs qualités et habiletés et parmi
celles-ci : la concentration. Que ce soit en faisant mille suburi,
en courant un marathon ou en creusant une piscine, il doit rester
concentré. Il fait ce qu’il doit faire, jusqu’à ce qu’il ait terminé.
Matthieu Ricard relate ceci dans son chapitre CAPTIVÉ PAR LE FLOT DU TEMPS
.
Il commence en disant :
Qui n’a pas fait l’expérience d’une absorption intense dans un acte,
une expérience ou une sensation?
Il explique que le psychologue Mihaly Csikszentmihaly appelle cela le « flux ».
Nous expérimentons ce flux très souvent lors de notre entraînement.
Combien de fois réalisons-nous que le temps s’est écoulé, que
l’entraînement est terminé, seulement au signal du Sensei? En tant
qu’informaticien, de nombreuses fois, j’ai décidé de rester « un peu » pour
terminer un programme, pour finalement sortir de ma bulle cinq ou six
heures plus tard.
Par contre, lorsqu’une tâche ou une activité nous ennuie ou nous semble inintéressante, c’est généralement parce que nous manquons de concentration. Si nous exécutons mille suburi et que chemin faisant, notre esprit divague et se laisse capter par des pensées autres que celle d’exécuter ces suburi, notre concentration se perd et le temps parait plus long. Par contre, si nous exécutons ceux-ci comme une méditation en mouvement, nous ne verrons pas le temps passer. Nous ressentirons la satisfaction d’accomplir, sans avoir le fardeau de la souffrance. Cette souffrance qui nous donne le sentiment d’être une victime.
S’ériger en victime est presque une réaction naturelle chez l’humain.
Le Pourquoi moi?
ou Moi et ma malchance…
font en sorte
que nous reportons le blâme sur quelque chose d’externe, sur une force
« maléfique » qui nous veut du mal. Il faut plutôt réfléchir
(méditer) sur la force « causale » :
est-ce un mauvais choix? Est-ce une évolution
naturelle d’une situation? Ou est-ce un facteur complètement externe et
circonstanciel? Parfois, nous pouvons influencer le cours des événements,
mais habituellement la vie survient et nous n’avons ni contrôle, ni
influence. Lorsque nous parvenons à nous débarrasser du sentiment d’être
une victime, c’est comme si nous étions un plongeur qui remonte à la
surface pour prendre une grande bouffée d’air!
Regarder une situation sans nous voir en victime fait en sorte que nous
pouvons nous mettre à chercher une solution et à retrouver notre équilibre
beaucoup plus rapidement. Dans le contexte d’une étude comparative du
cerveau humain menée avec imagerie par résonance magnétique (IRM), Matthieu
Ricard dit :
Les musiciens qui commencent leur formation très tôt et la poursuivent
pendant de nombreuses années présentent les plus grandes modifications
du cerveau.
Les IRM démontraient un plus grand développement de certaines zones du
cerveau. Alors, plus nous éviterons le mode « victime » et
resterons en
mode solution, plus notre cerveau développera cette habileté et plus cela
nous deviendra facile. Comme le dit si bien Augé Sensei :
Nous devenons bon à ce que nous pratiquons.
Le soukha
Accepter que la vie soit telle qu’elle est et que nous soyons ce que nous
sommes est un premier pas vers l’évolution du bonheur intérieur, de
l’équilibre, du soukha. Notre soukha nous permet de nous
ouvrir avec confiance aux autres et de les aider à grandir, et ce, sans
attente. Mochizuki Sensei nous parlait du concept Entraide et prospérité
mutuelles
. Matthieu Ricard nous dit
(…) qu’apporter du bonheur à autrui est en fin de compte la meilleure
façon d’assurer le nôtre.
En tant que professeur, j’éprouve une grande satisfaction à aider les
élèves à se développer et à grandir. Je ressens parfois un sentiment
paternel à leur égard. Ce que je dis ou fais peut avoir une incidence sur
leur vie. Ce n’est pas à prendre à la légère. Il faut développer une
certaine sagesse pour pouvoir guider. Comme le dit Matthieu Ricard :
La sagesse est précisément ce qui permet de distinguer les pensées et
les actes qui contribuent au bonheur authentique de ceux qui le
détruisent.
Conclusion
En ce moment, dans mon parcours, je vois encore le changement continu de la vie, de ma vie et je veux être en harmonie avec ce changement. Peu importe les événements, je reste l’artisan de mon bonheur intérieur. Avec l’entraînement et la méditation, je peux maintenir l’équilibre de ma paix intérieure. Ressourcé, je peux alors utiliser cette énergie pour donner aux autres.
Matthieu Ricard conclut :
Le bonheur que je ressens maintenant et à chaque instant de l’existence
(…) s’est construit avec le temps dans des conditions favorables à la
compréhension des causes du bonheur et de la souffrance.
L’œuvre de Matthieu Ricard me touche beaucoup. Il m’a permis de réaliser à
quel point le Budō s’est développé en moi depuis 1982. Je sais, par contre,
qu’il me reste encore beaucoup de chemin à parcourir :
nous devons nous améliorer chaque jour et quand viendra le grand jour,
nous serons la meilleure version de nous-mêmes.
Mario Forget
Août 2016